Textes Historiques concernant Istanbul Avant sa Conquête
DESCRIPTION D’ISTANBUL AVANT LA CONQUÊTE selon certains écrivains islamiques.
Prof. Dr. Semavi Eyice
(Recherches d’Istanbul, N° :2, Page 7, Publication Centrale des Recherches d’Istanbul Département des Affaires Culturelles de la Mairie D’Istanbul)
La publication de deux grands livres avait été conçue dans l’enceinte de la réunion Habitat II organisée en 1996 à Istanbul. On m’a demandé de préparer pour un de ces livres, un article concernant les mémoires qu’ont écrit les étrangers qui ont vécu Istanbul avant sa conquête. Ce travail m'a pris beaucoup de temps en hiver 1995-96. Lorsque j’ai fini de préparer cet écrit en consultants les œuvres originales ou les traductions des gens qui, au moyen âge, sont venus à Istanbul de différents pays pour divers raisons et qui ont écrit ce qu’ils avaient vécu dans cette ville, je me suis rendu compte qu’il y avait une énorme quantité d'information. Sur ce, on a décidé de publier seulement une partie de cet écrit pour qu’il soit publié dans le livre de Habitat II. Ainsi, J’ai enlevé les trois mémoires écrits par les croisés d’Europe occidentale qui avaient participé aux croisades de 1203-1204 et j’en ai fait un article complet. On a pensé d’autant plus publier l'article complet en tant que livre.
Cependant cette conception ne s’est pas réalisée à ce moment. Si le travail concernant Istanbul, selon les étrangers qui ont écrit leurs mémoires durant le moyen âge devait devenir un livre, cela devenait beaucoup plus sérieux et je ne pouvais me permettre aucune absence d'information que l’on pourrait laisser passer dans un article. Alors ces absences d’informations devaient être complétées. Ceux-ci étaient les publications inaccessible à Istanbul dont la présence dans le livre serait utile ainsi que les quelques écrits des voyageurs dont on avait parlé brièvement dans l'article que nous avons préparé, plusieurs explications avec des annotations, des anciennes enluminures et dessins, et en plus l'interprétation avec des dessins des anciennes œuvres mentionnées. Selon ce programme, j’ai pensé qu'il était nécessaire de réexaminer le texte que j’avais préparé auparavant ; et j'ai rapporté la publication du livre à une date, j’espère, non lointaine. L’écrit, « descriptions d’Istanbul avant sa conquête selon certains écrivains islamique" que j’ai présenté aux Recherches d’Istanbul, est une petite partie de cet immense travail. On a résumé en quelques lignes pour vous donner une idée, des informations concernant les gens qui sont venus à Istanbul entre les siècles X-XV, ce qu’ils ont vécu et ce qu’ils ont écrit sur ce que d’autres personnes ont pu vivre. La traduction des pièces présentées serait plus juste d’après les textes originaux. Mais comme nous ne savons pas parler ces langues et comme nous ne voulons pas préparer une édition critique, nous avons pensé qu’il était suffisant d’utiliser la traduction des œuvres de ces écrivains dans des langues occidentales. Les traductions et ainsi que les éditions ont été précisées dans les annotations. Il y a de bièvres explications concernant les œuvres mentionnées par ces écrivains qui donnent des informations sur Istanbul de l’époque byzantine, cependant, il n'y a aucune référence bibliographique attendu que cela allait élargir le contenu de l’article.
Il y a une question qui nous préoccupe concernant ce qu’ont écrit ces anciens voyageurs: Est-ce que ces voyageurs ont réellement vu les endroits qu'ils ont décrits ? Cette question peut se poser aussi bien pour les voyageurs arabes que pour les autres. La même incertitude est valable pour certains écrivains de récits de voyages occidentaux. Nous allons seulement vous fournir la compilation des informations qui se trouvent dans les œuvres de quelques écrivains arabes, sans essayer de développer cette question.
Les Principaux Ecrivains
Harun Ibn Yahya (fin du IXème siècle ou 912-913)
Le premier arabe qui a vu puis raconté Istanbul de l’époque byzantine, est Harun Ibn Yahya, écrivain du IXème siècle. Les mémoires de Harun qui est venu dans cette ville en tant qu’esclave, se trouvent dans l’œuvre d’Ahmed Ibn Rusteh à propos de la géographie, intitulée Kitabu’l Alak al-Nâfisa. Il a embarqué du port de la ville d’Ascalon qui se trouve aujourd'hui en Israël, puis est allé à Antalya. D’ici, il est arrivé en trois dans une ville appelée Nikiya qui est une ville « très grande et très peuplée », en passant par « les montagnes, les vallées et plantations ».
Pour certains, cette ville est Konya (Ikonion) et pour d’autres, Iznik (Nikaia). Cependant, Harun arrive ensuite à Sankarah qui fondée sur un terrain plat, à cheval, en trois, donc cette ville ne peut pas être Iznik. Et à partir de la, il est allé au bord de la mer à pied où il est arrivé en deux jours, par la suite, un bateau à voile l’a emmené à Istanbul en un jour.
Certains chercheurs affirment que Harun était dans la capitale de Byzance pendant le règne de l’empereur Basile 1er (867-886) et d’autres énoncent qu’il y était pendant le règne de l’empereur Alexandros (912-913) en hiver 912-913 et qu’il a quitté la ville au printemps de l’année 913.
Bien que Harun fût un esclave il était plus ou moins libre. On suppose que cette liberté lui avait été accordée parce qu'il était chrétien ou parce qu’il avait changé de religion.
D’après l’esclave arabe, Constantine qui était une grande ville, était entourée par la mer du côté Est. A l'ouest s'étendait une plaine vierge. La porte des remparts encerclant la ville, s’ouvrait sur la voie menant à l’empire romain et était en or. C’est pour cette raison que cette porte était appelée Porte en Or. Il y avait sur cette porte, les statues de quatre éléphants et de leur maitre tenant leurs brides. Il y avait également une autre porte appelée Bigas aux vantaux en fer et qui était utilisée par l’empereur lorsqu'il sortait pour se promener. Ça doit sûrement être la Porte Pighi (La Porte de Silivri)
Harun continue en évoquant l'Hippodrome qui est situé en plein milieu de la ville près de l’église et du palais « Il y a ici, des statues de cheval en bronze, d'individus, d'animaux sauvages, de lions...» D’autre part, l’esclave arabe raconte que les conducteurs de cheval de course, aux vêtements brodés de paillettes, faisant la course en pair, possédant chacun quatre chevaux de course, sortaient des portes du côté ouest de cette place. Les deux carrosses en paillette faisaient la course en tournant trois fois autour de la statue qui se trouvait au centre.
« Le grand palais est entièrement entouré par des murs ». Un de ces côté est sur le rivage. Ce mur possède trois portes aux vantaux en fer » dit Harun et continue en énonçant les noms de ces entrées, en parlant des recouvrements intérieurs et des gardiens armés dont parmi ceux-ci se trouvaient les Khazars, qui surveillaient les portes. A côté de l’entrée se trouve l’église de l’empire. Puis prés de celle-ci, quatre entrées qui mènent aux cachots conçus particulièrement pour les musulmans. Harun, indique le kathisma qui est la loge de l'empereur comme le el-maksura et précise que ce lieu était orné de perles et rubis (!) et que les coussins auxquels d’adossaient l’empereur étaient également brodés de pierres précieuses.
D’après ce que raconte Harun, il y avait une citerne dans la cour à coté de l’église qui est à l’entrée du palais. Pendant les jours de fête religieuse, cette citerne était remplie par dix mille pots de vin et mille pots de miels, qui était déposait à poids égal sur des chameaux. Les gens qui suivaient l’empereur, buvaient ce vin en le faisant couler par la bouche et les oreilles des statues.
Harun, ajoute que le salon de festin de deux cents pas de long et de cinquante pas de large, était couvert de marbre vert, que ses murs étaient ornés de mosaïques, et que l'accès au salon se faisait par l'intermédiaire d'une cour d'honneur dont chaque coté mesurait quatre cents pas. Le salon de festin était composé de trois tables et celle du milieu était en or et appartenait à l’empereur. On préparait dans ce salon, des festins pour les musulmans. Harun donne des détails concernant le « el-urkuna » c'est-à-dire l’orgue qui se trouvait dans le salon lors du festin et parle également de la musique de l'instrument. Ce genre de festin s’organisait tout le long de la fête de 12 jours jusqu’au 6 janvier, la fête de l’Epiphanie. Harun ajoute encore qu’à la fin de la fête, chaque musulman donnait deux dinars et un dirhem à l'esclave pendant que l’empereur quitta le salon.
Après ses souvenirs concernant Istanbul, l’esclave arabe, raconte également en détail la cérémonie de la visite de la Sainte Sophie par l’empereur. Dans le cortège de la cérémonie, il y avait de nombreux jeunes turcs et khazars -ce qui est un point à prendre en considération - vêtus d'armures divisées en morceau et qui avaient des boucliers ornés de paillettes en or et des javelots. Un autre point à prendre en considération à propos de ce que Harun précise concernant cette cérémonie, est qu’il y avait trois chevaux blancs bien dressés et dont les harnais étaient ornés de pierres précieuses, qui entraient également dans la Sainte Sophie. Et ici, si le cheval prenait les brides accrochées au mur dans sa bouche, les gens qui se trouvaient présents là bas à cet instant criaient « on a gagné une victoire dans un pays islamique ». Mais parfois, le cheval s’approchait, reniflait les brides et reculait sans les prendre dans sa bouche !.
Harun nous donne quelques informations utiles concernant la topographie historique de la ville. La première information est à propos d’une tombe située sur un piédestal carré en marbre qui se trouve près d’une église où il y a également un peu plus loin, la statue en bronze de l’empereur qui fonda l’église. La statue de l’empereur a sur la tête une couronne en or ornée de perles et de rubis. Sa main droite est levée comme s’il appelait les gens à venir à Istanbul. Ainsi, on peut comprendre que l’esclave arabe, a bien vu la statue de cheval définie par P.W. Lehmann, qui a pu survivre jusqu'à la fin du XV siècle, qui était appelée le monument de Justinien mais qu’en réalité c’était une représentation de Théodose.
Harun a aussi vu le horoglion situé a coté de la porte ouest de la Sainte Sophie. Les vingt quatre portes du horoglion, représentaient chacune une heure de la journée. Harun évoque la statue en bronze située près de la porte du palais, représentant trois chevaux. On dit que ces chevaux (il y en avait quatre) étaient des talismans. Ces derniers qui étaient d’abord placés dans l’hippodrome, ont été transportés près de la Sainte Sophie et en 1204, ils ont été exportés à Venise pendant l’invasion et le ravages des croisés. Aujourd’hui ils sont situés sur les auvents de la façade de l’église San Marco.
Harun informe que l'eau était transportée de la Bulgarie qui était un pays loin de vingt jours, que cette eau passait par des aqueducs dont une section alimentait le palais, la deuxième le cachot des musulmans et une troisième coulait vers le hammam des patriarches et alimentait la ville en eau. Il précise également que la population buvait cette eau un peu salée. L’esclave, évoque le nom d’un monastère appelé Satra qui se trouvait près de l'une des portes de la ville et qui hébergeait cinq cents personnes. On suppose que ce monastère est le très grand monastère de Studios situé à l’intérieur de la Porte en Or, fondé en 461 et dont l’église a été transformé en la mosquée d’Imrahor Ilyas Bey après la conquête. Les autres monastères situés plus loin, à l’extérieur de la ville sont impossible à reconnaître.
Mesudi (Xème siècle)
Ebu’l hasan b. El-Huseyin Mesudi est de Bagdad. Il a vécu au Xème siècle et a voyagé une grande partie du monde de cette époque à partir de 912. Il a écrit de nombreuses œuvres et est mort au Caire vers 956. Dans son œuvre intitulée Les Prés en Or, il parle de Nitas qui coule d'un canal (le Bosphore) d’environ 350 miles de longueur de la Mer Noire vers la Mer Grecque (la Mer Méditerrané). Les deux rivages de ce canal sont tout au long couverts par des maisons. La ville est située à l'ouest et appartient aux terres de l'ouest. Constantine fonde la ville est lui donne son nom. A l’entrée du Bosphore il y a une ville appartenant aux grecs et appelée Mosnat (?). On surveillait à partir d'ici les bateaux russes et autres circulations. On voit les montagnes et les bonnes fontaines d’eau. On a même donné le nom du commandant Mesleme b. Abdulmelik à l’une de ces fontaines parce que les bateaux musulmans s'étaient arrêtés ici lorsqu’ils sont venus conquérir Byzance.
Les eaux du canal encerclent Constantine par l'Est et par le Nord. L’Ouest de la ville est lié au continent. La Porte en Or ornée en Bronze se trouve de ce côté. Ce côté de la ville est également protégé par des remparts à plusieurs étages et par un château. Le plus haut des murs de l’ouest est à trente aunes et le plus bas est à dix aunes.
Le rivage qui s’étend tout le long du canal, est entouré d’un mur simple puis est également composé par de nombreux châteaux et bastions. La ville est constituée de plusieurs portes aussi bien du côté mer que du côté terre. Cependant cette ville à un climat qui varie beaucoup et comme elle est entourée sur les deux côtés par la mer elle est constamment humide.
Hassan Ali el-Herevî (XIIème siècle)
Lors de ses voyages en Syrie, en Iraq, Mesopotamie, Iran, Byzance, Yémen, Hedjaz, Egypte et aux Iles de la Mer Egée au XIIème siècle, Hassan Ali el-Herev’i est également passé par Byzantion puis y est resté un certain temps. A cette époque la ville est sous le règne de l’empereur Manuel 1er Comnène (1143-1180). Ce voyageur arabe, mort à Alep en 1215, avait pensé écrire en détail les monuments et structures qu’il avait visité lors de ses longs voyages, dans un livre intitulé le Livre des Merveille. Cependant, de nos jours, il n’y a aucune trace de ce livre. En outre, il parle en quelques lignes d'Istanbul au XIIème siècle dans son autre ouvrage qui est le guide du Hajj et qui a pu survenir jusqu'a nos jours.
« Il y a la tombe d’Ebu Eyyub el Ensari, l’un des proches du prophète Mahomet, à l’extérieur des remparts de la ville. La grande mosquée construite par Mesleme, le fils d’Abdulmelik est située dans la ville. La tombe de l’un des membres de la famille de Huseyn fils d'Ali fils d'Ebu Talib se trouve à cet emplacement. Les statues en bonze et en marbre, les colonnes, les splendides talismans, les obélisques et les structures que l’on ne pourrait trouver nulle part ailleurs dans les pays musulmans, sont remarquables. La grande église de cette ville s’appelle la Sainte Sophie. On dit qu'un ange gardien la surveille. Il y a une cage en or là où cet ange se trouve. « je vous raconterai cette légende à une autre occasion » ajoute el-Hervî. Je vais également vous décrire en détail l’organisation architecturale de cette église, son plan, sa hauteur, ses portes, sa longueur, sa largeur et ainsi que de ses colonnes. Je vais vous énoncer un par un les merveilles de cette ville et je vais vous décrire tous ses palais, sa Porte en Or, ses tours, ses marbres, ses grands chevaux en bronze, toutes ces choses qui datent du siècle ancien et ainsi que les statues de l'hippodrome. Toutes ces merveilles vont être présents dans le Livre des Merveilles, si dieu le veut bien. Constantinople est une immense ville qui est encore plus grande que sa popularité. Que dieu fasse de cette ville le centre de l’islam, en guise de bénédiction.
Les informations données par el-Herevî ne vont pas au-delà de celles données ci-dessus, il décrit également le phare d’Alexandrie, Pharos, en sous-estimant ses ruines et indique que « ....ce sont les colonnes qui sont à Istanbul qui sont admirables..." Un monument situé sur la Place des Chevaux où se fait la course de cheval, s’incline selon le sens du vent, à l’Est, à l’Ouest, au Nord ou au Sud. Il y a également à cet emplacement, un autre monument en bronze dont l’accès est impossible à l’intérieur. Près de l’hôpital, se trouve un autre monument qui est complètement couvert en bronze. C’est la tombe de l’empereur Constantin. Les six statues de ce souverain ont été placées sur celle-ci. Les pattes du cheval sont bien fixées sur la pierre avec du plomb ; mais la patte droite est levée comme s’il allait faire un pas. La paume de la main droite de Constantin, est levée vers le ciel Ainsi, il indique un pays islamique. Il tient un globe de sa main gauche. Les marins peuvent voir ce monument à partir de la mer, à peu près à un jour de route (!).
Il y a plusieurs opinions concernant ce monument. Pour certains, le globe est un talisman qui empêcherait les chrétiens d’entrer dans les pays islamique ou alors qui arrêterait l’invasion des pays chrétiens par les musulmans Et pour d’autres, il y a inscrit sur la surface de ce globe : « j’ai conquis le monde et je l’ai détenu comme ce globe entre mes mains mais je me suis séparé de lui sans rien emmener avec moi »
« Dans le bazar appelé Istoborin (c'est-à-dire eiston phoron) il y a un autre monument en marbre blanc orné de reliefs d’individus procédés avec une excellente finesse. Ce monument est entouré d’une grille intégrale puis est considérée comme un talisman. Du haut de ce monument, on a une vue panoramique sur toute la ville. Dans le Livre des Merveilles, je ferai la description de ce monument, je préciserai la hauteur, les dimensions des contours et je donnerai le nombre de marches qui monte jusqu’au sommet de ce monument. J’évoquerai également le respect de la population envers ce monument et ses ornements. Je raconterai aussi les rumeurs concernant les statues en bronze et en marbre, les talismans qui tournent sur quatre côtés, le recouvrement à dessin d’ange, la croix appelée « çımgın » et ainsi que sa légende. Cette croix a été placée vers la direction de la Qibla. Je parlerai également des hôpitaux de la ville et ainsi que des statues d'une place. Tous les détails seront dans le Livre des Merveilles.
Quelques phrases qu’a employées el-Herevî dans les informations qu’il fournit, se trouvent également dans le livre intitulé Cosmographie de Zekeriya Ibn Muhammed (vers 1203) connu sous le nom d’el-Kazvinî. On retrouve ces mêmes phrases dans le dictionnaire Géographique de Yakut. Kazvinî parle à propos d'une pendule composée de douze fenêtres qui s’ouvrent à chaque heure et desquelles apparaissent des marionnettes. Ça doit surement être horoglion qui se trouve au-dessus de la Sainte Sophie. Selon Kazvinî, il y a aussi un talisman en forme de cheval en bronze, situé près de l’entrée du Grand Palais. Ils ont été édifiés par Apollonius pour empêcher le bruit que faisaient les chevaux de la ville près de la porte de l’empereur.
Idrisî (entre 1120-1140)
Le voyageur et écrivain arabe de géographie, Ebu Abdullah Muhammed b. Muhammed (1100-1165-66) connu sous le nom d’Idrisi, a voyagé beaucoup d'endroit en commençant par Ceuta et a écrit l’ouvrage intitulé Kitâbü’n-Nüzhetü’l-Müştâk fî İhtiraki’l Âfâk.
Idrisî a commencé à vivre près du roi Normand Ruggerio dans le palais de Palermo situé en Sicile, à partir de 1145, où il a achevé son livre en 1154. On ne sait pas exactement si le géographe qui a commencé à voyager en Anatolie dés son plus jeune âge, a visité Constantinople. Cependant, il donne quelques informations à propos de la ville. Il n’y a aucun détail qui nous montre que ces informations appartiennent bien à cet écrivain. Celles-ci peuvent également être des extraits retirés de livres d’autres auteurs.
Le Géographe arabe indique les distances entre les bourgs de Thrace et après avoir décrit Rodostu (Rodosto=Tekirdağ), İraklia (Ereğli), Selimiria (Silivri), Bature (Athyra=Büyükçekmece), Reo (Rhegion=Küçükçekmece), il donne une brève description d'İstanbul.
« Cette capitale qui est située sur une péninsule en forme de triangle est encerclée sur deux côtés, par la mer, il y a sur le troisième coté qui est du côté de la terre, la Porte en Or. La longueur totale de la ville est de 9 miles. Elle est entourée aussi bien du côté mer que du côté terre par des murs fortifiés par des remparts avant de 5 m à 10.50 m de hauteur. Il y a entre la mer et le rempart extérieur un bastion de 25 m. La ville possède près de100 portes. La plus importante de celles-ci est celle aux vantaux en fer plaqué or appelée Porte en Or. Idrisî souligne qu’il ne connaît aucune ville aussi grande qu’elle dans l'empire romain et parle brièvement des empereurs de cette ville.
« Le palais est célèbre pour sa hauteur, la largeur de son terrain et sa beauté intérieure. L’hippodrome (bedrun) auquel on a accès en passant d’abord par le palais, est la piste de course la plus surprenante du monde. Il y a sur la voie qui mène au palais de magnifiques statues d'homme, de cheval, de lion qui pourraient rendre jaloux les meilleurs sculpteures professionnels. Toutes ces statues ont de plus grandes dimensions par rapport aux autres statues Il y a également de nombreuses œuvres artistiques remarquables dans le palais.
İbn Batuta (1334)
Au XIV siècle, Ibn Batuta a voyagé dans quelques pays principaux du moyen âge. Il est passé par Oman, Bahreïn, Syrie et de là il est allé a Alaiyye en bateau. Ibn Batuta voyage l’Anatolie de long en large et passe de Sinop à Crimée en bateau. Comme l’épouse byzantine (Hatun) du Khan Couman était enceinte il fallait l’emmener à Istanbul pour qu’elle puisse accoucher, alors Ibn Batuta participa à ce groupe. Ce voyage a dû se faire l’été de 1334. Cependant il y a quelques problèmes qui doivent s’éclaircir, concernant la datation et la chronologie de voyage d’Ibn Batuta. Il y avait également dans ce groupe très nombreux composés de cinq cents chevaliers, deux cents concubines dont la plupart sont d’origines grecques, quatre cents charrettes, deux mille chevaux, trois cents bœufs, deux cents chameaux, des domestiques grecs et hindous appelés « içoğğlan » chargés de s’occuper de « Hatun » . Une partie du groupe s’est arrêtée près de la frontière de l’empire byzantin, la chapelle privée de « hatun » où elle faisait ses prières, a également été abandonnée ici. Après avoir passé la frontière, on lui a emmène du vin et de la viande de porc. Il n’y avait seulement qu’un turc, Ibn Batuta qui faisait ses prières selon les normes islamiques. Les musulmans n’étaient pas vraiment appréciés dans cette ville et sur l’ordre de « Hatun », les Byzantins ont été forcés à entretenir de meilleures relations avec ceux-ci. Ainsi, un domestique qui s’était moqué de la prière des musulmans fut puni. A l’extérieur de la ville, la princesse fut très bien accueillie. Les cloches retentissaient fortement lorsqu’ils sont entrés à l'intérieur. Ils sont accueillis devant la porte du palais par près de cent gardiens. Mais lorsque la population se met à crier "sarakin, sarakin" (usurier) en s’adressant aux musulmans, ils décident de ne pas les faire entrer au palais. A cette époque la ville est sous le règne d’Andronic III Paléologue (1328-1341). Après être passé par quatre portes, Ibn Batuta se fait strictement contrôler au palais. Arrivé à la cinquième porte, il est maintenu par les bras par quatre gardiens et apparaît devant l'empereur.
Il se trouve dans un grand salon dont les murs sont décorés par des mosaïques de paysage Au milieu du salon, se trouve une rivière bordée d’arbres (?). Le trône de l’empereur est situé sous ce dais. Devant, il y a la mère de Hatun, l’impératrice et ces frères. Apres une discussion faite entre eux, l’empereur décide de lui faire visiter la ville.
La ville est très grande. Elle est divisée par une eau dont les marées se sentent de manière intense. Autrefois, il y a avait un pont en pierre, mais il n'existe plus. Les gens passent d'un coté à l'autre par des barques. L'un des côtés de cette eau dénommé Absomi est appelé Estambul. Le souverain, les personnes importantes et ainsi que les grecs vivent ici. Les trottoirs des larges rues et ainsi que les bazars sont recouverts par des dalles en pierres. Ici, chaque artisan a sa propre place et ne la partage avec personne. Chaque bazar est composé de porte qui se referme le soir... Cette partie de la ville se trouve aux pieds d’une colline. Au sommet de cette colline il y a le palais de l’empereur. Le sommet est encerclé par un rempart fortifié. Personne ne pourrait y avoir accès en y grimpant. A l’intérieur, il y a près de 13 villages et une église principale placée au centre.
La deuxième partie de la ville est appelée Galata. Les chrétiens francs vivent dans cette partie. Parmi ceux-ci il y a des génois, vénitiens, des gens qui viennent de l’empire romain et des français. Ils sont également tous régnés par l’empereur de Constantinople. L'empereur désigne quelqu'un qui est chargé de les dirigés. Ils payent chaque année, des taxes à l'empereur. Ils de revolent souvent. Ils se battent jusqu'à ce que le Pape intervienne. Tous, sont commerçants et leurs ports sont les plus importants du monde. « J’ai déjà vu près de cent bateaux et galions ici. Il y avait tellement de petits bateaux qu'il m'était impossible de les compter. Les bazars situés de l’autre coté du rivage sont splendides mais très sales. La ville est divisée en deux par une rivière. Les églises sont répugnantes et n’ont aucun côté attirant.
Ibn Batuta dit qu’il ne pourra décrire que l’extérieur de la Sainte Sophie parce qu’il n’a pas été vu l’intérieur. « La plus grande église des grecs" est entourée par un mur composé de treize portes. D’autre part, elle possède une cour avec une grande entrée. « Ce lieu ressemble à une salle de réception » dit le voyageur arabe, et donne des informations qui sont difficiles à croire. Au milieu de cette cour recouverte de marbre, il y a un ruisseau à une aune de hauteur, sortant d’une église, passant entre deux quais de marbre veiné dont les gravures sont remarquables. Il y a des arbres de chaque coté de ce ruisseau. De la porte de l’église jusqu'à l’entrée de la cour, de très grands arbres ont formé un toit. On aperçoit également des raisins, des jasmins et des fleurs de toutes sortes.
Ibn Batuta ajoute qu’à l’extérieur de la cour, il y a des constructions où se trouvent les juges et les greffiers puis un bazar à épices. Le ruisseau sortant de l’église se divise en deux sections et passe entre ceux-ci. Il y a sur la porte un coffret où on y conserve soi disant un morceau du crucifix de Jésus. Et à l’intérieur de ce coffret, se trouve un autre petit coffret. Les vantaux de la porte sont plaqués argent et or. Les deux poignées sont en or.
Ibn Batuta indique qu’il y a de nombreux monastères à Constantinople. L’un de ces monastères a été édifié en dehors d’Estambul par Circis (Georgios ?) le père de l’empereur. Il y a deux autres monastères construits dans un jardin dont l’un est celui des femmes et l’autre celui des hommes et entre ceux-ci, il y a un ruisseau. Ce voyageur arabe ajoute également quelque chose de curieux : « La plupart de la population de cette ville est composée d'hommes religieux, de moines et de clercs."
Ibn Batuta dit aussi qu’il a croisé lors d’une promenade, Circis qui est le père du souverain et qui a fondé le monastère en dehors de la ville. Il précise également que celui-ci avait cédé son trône pour devenir moine. Il n’y a pas d’empereur appelé Circis ou Georgios dans l’histoire de Byzance En 1334, ce n’est pas le père d'Andronic III mais le grand-père, Andronic II (1282-1328) qui a cédé son trône et qui a refondé le monastère de Lips. Cependant, l’église du monastère qui est aujourd’hui la Mosquée de Fenari Isa (Eglise) construite dans l’avenue de Vatan, n’est pas située sur le rivage en dehors de la ville. Andronic II est mort en 1332, après être devenu moine, si Ibn Batuta est bien venu à Istanbul en 1334, il y a ici une incohérence.
La princesse byzantine Hatun ne voulait pas retourner. Le voyageur arabe a quitté la ville avec des cadeaux.