Le capitaine Camus et la mère de Napoléon
Un faisceau de récits lie les origines du diamant avec des événements historiques dans la ville de Préveza, Épire. En 1797, la ville a été cédée à la France, et une garnison de 700 grenadiers de Napoléon Ier, sous les ordres du général de La Salchette, s'y installe. Elle est renforcée par quelque 200 citoyens grecs armés et quelque 60 souliotes grecs. Toutefois, lors de la bataille de Nicopolis des 12 et 13 octobre 1798, cette force a été submergée par 7 000 soldats turco-albanais sous les ordres d'Ali Pacha et son fils Muhtar.
Dans la foulée, les Français et les Grecs ont été massacrés à Préveza et à Port Salaora sur le golfe d'Ambracie. De nombreux prisonniers, ayant survécu au massacre, sont morts sur la route menant à Ioannina, la capitale d'Ali Pacha, où ils ont été exhibés dans les rues. Neuf officiers français ont été envoyés au sultan Selim III à Istanbul, parmi eux le capitaine Louis-Auguste Camus de Richemont et un autre officier nommé Tissot. Camus est resté en captivité jusqu'en 1801, date à laquelle sa rançon fut payée. Il fit ensuite une longue et éminente carrière militaire, atteignant le grade de général.
Les faits rapportés ci-dessus sont attestés historiquement. Une histoire non attestée y est rattachée, selon laquelle le capitaine Camus était l'amant de la mère de Napoléon Bonaparte, Maria Letizia Ramolino. Ayant appris la mauvaise nouvelle, celle-ci aurait pris contact avec le sultan Selim III, auquel elle aurait envoyé un « gros diamant » par bateau vers Préveza. Ce présent au sultan devait faciliter la libération de son amant. Le diamant serait passé de Préveza à Ioannina (sans doute sous le contrôle d'Ali Pacha), puis à Istanbul3. Certaines versions[Lesquelles ?] ajoutent que ce diamant aurait appartenu auparavant à la reine Marie-Antoinette.
Le capitaine Camus et les autres soldats français furent finalement libérés, tandis que le diamant restait dans le palais de Topkapi, en possession du sultan Selim III et de ses successeurs.
Il n'existe aucune preuve historique claire ni d'une relation entre le capitaine Camus et Letizia Ramolino, ni d'un envoi par celle-ci d'un diamant au sultan. Dans certaines versions de ce récit, le capitaine Camus est âgé de 47 ans à l'époque, ce qui rendrait son âge compatible avec celui de Letizia Ramolino (alors âgée de 48 ans). Cependant, Camus avait seulement 27 ans en 1798. Il faut également remarquer qu'à cette date, Letizia Ramolino n'était pas encore la mère de l'Empereur, mais celle d'un jeune et brillant général de la France révolutionnaire. Elle était donc peu susceptible d'avoir le pouvoir et l'autorité qu'on lui suppose dans cette histoire.
Beaucoup plus tard Camus, alors général, a publié ses mémoires en trois volumes. Dans un passage, il mentionne que lors de leur année de garnison à Préveza, les soldats français qui effectuaient des travaux de fortification dans un endroit nommé Mazoma4 ont découvert par leurs fouilles le cimetière Est de l'antique Nicopolis. Ils y trouvèrent de nombreux trésors (bijoux, lampes, poteries, etc.) qui furent pillés par les soldats. Toutefois, Camus ne fait aucune référence à un gros diamant. En tout état de cause, presque tous les soldats français ont été tués dans la bataille de Nicopolis et leurs biens pillés par les troupes victorieuses turques et albanaises.
Les mémoires du capitaine Camus publié en 1858 donnent des détails de sa libération (Mémoire du Général Camus Baron de Richemont p.206). c'est l'ambassadeur de Russie, M. de Tamara et le ministre du Danemark et banquier à Péra, le Baron Ubsch de Grosenthal, qui remettent une somme de 20000 francs confiée par le père du capitaine Camus. En effet des relations privilégiées existaient par l'intermédiaire du Marquis de Vérac, ancien ambassadeur en russie et parent de la famille du capitaine.
Malgré les doutes historiques, l'histoire romantique du capitaine, amant de la mère de Napoléon qui paye sa rançon avec un diamant est souvent répétée. Le conte a été, par exemple, inclus dans un récent documentaire de la télévision d’État japonaise, "Préveza" (2004). Pour sa part, le Dr Ilber Ortayli, directeur du Musée de Topkapi, a participé au 2e Symposium International de l'Histoire de Preveza tenu dans cette ville en 2009, même s'il a parlé essentiellement d'une période plus tardive dans l'histoire ottomane