La dette d’un rêve
Nasreddin Hodja était devenu Kali. Un homme qui en tirait un autre se présenta devant
lui :
— Je viens me plaindre de cet homme. J’ai rêvé lui avoir donner de l’argent et à présent que je lui demande de lui rembourser, il ne veut pas.
— Combien lui avais-tu donné ?
— Dix pièces d’argent. Nasreddin, se tournant vers l’accusé :
— Donne-moi tout de suite cet argent. L’homme protesta mais devant la fermeté du Kadi, il finit par sortir les pièces et les lui donna. Alors Nasreddin se fit apporter un miroir et dit :
— Vois-tu les dix pièces dans le miroir ? Prends-les de ce miroir et donne-les à celui qui t’accuse. Voilà comment se paie la dette d’un rêve.
Ca s’appelle des casseroles
Un jour, peut-être par erreur, Nasreddin Hodja prit un lièvre. Il l’enferma dans un sac et dit à son fils : — Fais attention, ne l’ouvre pas. Quand je reviendrai, nous l’ouvrirons ensemble et ainsi nous saurons quel animal est à l’intérieur. Le père parti, l’enfant, évidement, ouvrit le sac et le lièvre s’échappa. Craignant d’être puni, il remplit le sac de casseroles. Nasreddin revint avec les notables du pays pour savoir de quel animal il s’agissait. Il ouvrit le sac, vit les casseroles, et sans se démonter, dit : — Mesdames et Messieurs, regardez bien, ça s’appelle des casseroles.
La perle bleue
Nasreddin Hodja avait deux femmes. Il donna, séparément et dans le plus grand secret, une perle bleue à chacune, en lui recommandant de ne rien dire à l’autre. Un jour, elles lui demandèrent laquelle était sa préférée.
Alors Hodja répondit :
— Ma préférée est celle qui possède la perle bleue.
Il a mis la dose
Nasreddin Hodja avait une belle poule noire qu’il décida de vendre au marché. L’affaire était presque conclue, lorsque le futur acheteur lui dit :
— Ta poule est belle, je l’aurais achetée volontiers, malheureusement elle n’est pas blanche. Nasreddin qui ne voulait pas rater la vente, lui dit d’attendre un moment. Il partit et se mit à laver la pauvre bête, croyant la rendre blanche. A la fin de l’opération, elle était encore noire et plus brillante. Résigné, il soupira :
— Celui qui l’a peinte, il a mis la dose !
Et si ça arrivait
Un jour Nasreddin Hodja prit un peu de yagourt et se rendit sur le bord du lac d’Aksehir. Là, il le mélangea à l’eau et le versa dans le lac. Des paysans étonnés lui demandèrent :
— Que fais-tu ?
— Etes-vous aveugles ? Ne voyez-vous pas que je verse du ferment dans le lac ?
— Mais il n’est pas possible que le lac prenne et devienne yagourt !
— Je le sais, mais si ça arrivait…
Je me contenterai de quatre-vingt-dix-neuf
Nasreddin Hodja rêvait qu’on lui mettait dans la main un sac de quatre-vingt-dix-neuf pièces de monnaie. Content, il protestait tout de même :
— J’en voudrais cent. Sur ces paroles il s’éveilla. Voyant qu’il n’avait rien dans la main, il regretta sa protestation, ferma les yeux pour continuer son rêve et supplia :
— Ca va, ça va, je me contenterai de quatre-vingt-dix-neuf.
Les fins du monde
Un ami demanda à Nasreddin Hodja quand viendrait la fin du monde.
— Laquelle ? La petite ou la grande ?
— Mais, Hodja, combien, y a-t-il de fins du monde ?
— Mon cher, il y en a deux : le petite quand mourra ma femme, la grande quand je mourrai, moi.
La mort de l’âne
Nasreddin Hodja perdit sa femme. Il était désespéré et pleurait sans cesse. Ses amis le consolèrent ainsi :
— Ne te laisse pas aller, c’est le destin. Nous te trouverons une autre femme ; peut-être mieux que la précédente. Et Nasreddin finit par surmonter son chagrin. A quel temps de là, son âne mourut. Cette fois il pleura tant et plus qu’il fut impossible de le consoler. Un de ses amis lui dit alors :
— Sais-tu que tu es étrange ? Ta femme meurt, tu pleures, c’est naturel, mais ton chagrin passe. Par contre, rien ne peut te consoler de la mort de ton âne ! Nasreddin expliqua :
— A la mort de ma femme, vous m’avez dit : « Nous t’en trouverons une autre encore mieux. » A la mort de mon âne, personne n’est venu me dire « Nous le remplacerons par un autre. »
Un homme de parole
Quelqu’un demanda à Nasreddin :
— Quel âge as-tu ?
— Quarante ans. Dix ans passèrent. La même personne l’interrogea à nouveau :
— Quel âge as-tu ?
Nasreddin répondit :
— Quarante.
— Il y a dix ans tu me fais la même réponse. Comment est-ce possible que tu aies encore quarante ans ?
— Mon cher, dit Nasreddin, je suis un homme de parole. Quelqu’un qui se respecte doit respecter la parole donnée et non pas changer continuellement. Si tu me poses la même question dans trente ans, je te répondrai encore quarante.
Un homme de parole
Quelqu’un demanda à Nasreddin :
— Quel âge as-tu ?
— Quarante ans. Dix ans passèrent. La même personne l’interrogea à nouveau :
— Quel âge as-tu ?
Nasreddin répondit :
— Quarante.
— Il y a dix ans tu me fais la même réponse. Comment est-ce possible que tu aies encore quarante ans ?
— Mon cher, dit Nasreddin, je suis un homme de parole. Quelqu’un qui se respecte doit respecter la parole donnée et non pas changer continuellement. Si tu me poses la même question dans trente ans, je te répondrai encore quarante.
Félicitations
— Félicite-moi, ami, s’exclama Nasreddin Hodja. Je suis père.
— Félicitations, lui dit-il donc. Est-ce une fille ou un garçon ?
— Oui, répondit Nasreddin. Mais comment le sais-tu ?
L’odeur de son imagination
Nasreddin Hodja était seul chez lui et imaginait qu’il se préparait un bon petit plat : un poulet avec lequel il faisait un bouillon bien assaisonné. Il n’avait pas encore mis les pieds dans la cuisine, qu’on frappa à la porte. Un gamin, un bol à la main lui dit :
— Excuse-moi, Hodja, ma mère est malade. Je suis venu te demander un peu de potage. Abasourdi, Nasreddin pensa : « Mes voisins parviennent à sentir jusqu’à l’odeur de mon imagination ! »
Que fais-tu là dedans ?
Un jour Nasreddin Hodja entendit des bruits suspects dans sa maison. Pensant à un voleur, il se cacha dans un placard. Le voleur fouilla partout, sans trouver quelque chose digne d’être dérobé. Au moment de partir, il alla quand même jeter un coup d’œil dans le placard. Quelle ne fut pas sa surprise d’y voir Nasreddin !
— Mais que fais-tu là dedans ?
— Je me suis caché parce que j’avais honte, répondit Nasreddin. Chez moi, il n’y a rien qui soit digne d’être volé.
N’importe où mais pas dedans
Dans les villages, lors des funérailles, les hommes portaient le cercueil jusqu’à la mosquée, puis au cimetière. Quelqu’un demanda un jour à Nasreddin Hodja :
— Pendant la procession, de quel côté du cercueil faut-il se placer ?
— N’importe où, répondit Nasreddin en souriant, pourvu que ce ne soit pas dedans.
Ils avaient raison
Par une chaude journée d’été, Nasreddin Hodja se rendait à un village voisin. Assoiffé, il s’arrêta à une fontaine au bord de la route. Le robinet de cette fontaine était bouché avec un morceau de bois. Il le retira et un puissant jet l’inonda de la tête aux pieds. Très en colère, il s’adressa à la fontaine :
— Je comprends à présent pourquoi ils t’ont bouchée. Si tu avais été gentille ils ne t’auraient rien fait. Ils avaient raison.
La lettre pour Bagdad
Un ami s’adressa à Nasreddin Hodja :
— Rends-moi un service. Tu es cultivé, spirituel. Ecris-moi une lettre pour un ami qui est à Bagdad.
— Ce n’est pas possible, je n’ai pas le temps d’aller à Bagdad pour écrire cette lettre.
— Mais il n’est pas nécessaire d’aller à Bagdad pour écrire cette lettre. Je ne vois pas le rapport.
— Il y en a un. Moi seul peux lire mon écriture et je n’ai pas du tout l’intention d’aller à Bagdad pour déchiffrer ma lettre à ton ami.
Le petit génie
Le fils de Nasreddin Hodja lui dit un jour :
— Père je me souviens du jour de ta naissance. A ces mots sa mère s’indigna et gronda l’enfant. Hodja intervint :
— Femme, laisse-le dire. Notre fils est un génie, il se peut qu’il s’en souvienne.
S’il a enfanté il peut aussi mourir
Nasreddin Hodja eut besoin d’un chaudron qu’il emprunta à un voisin. Puis il rapporta le chaudron avec une petite marmite.
— Ton chaudron a enfanté, lui dit Nasreddin. Un peu plus tard, Nasreddin redemanda le chaudron qui lui fut prêté volontiers. Ne voyant pas son ustensile revenir, le propriétaire décida d’aller le réclamer.
— Ton chaudron ? Mon pauvre ami, je n’avais pas le courage de te le dire. Ton chaudron est mort !
— Mort ? Mais, Hodja, a-t-on jamais vu mourir un chaudron ?
— Tu avais bien cru qu’il avait enfanté, pourquoi ne crois-tu pas à sa mort ?
Que ceux qui le savent le disent à ceux qui ne le savent pas.
Nasreddin Hodja allait faire un sermon.
— Fidèles, savez-vous de quoi je vous parlerai ?
— Nous ne le savons pas.
— Puisque vous ne le savez pas, il est inutile que je vous en parle. Et Nasreddin partit. Un autre jour, il leur posa la même question :
— Savez-vous de quoi je vous parlerai ?
— Oui, nous le savons.
— Puisque vous le savez, il est inutile que je le répète. Et il s’en alla. Les fidèles se mirent d’accord sur une réponse judicieuse. Et ainsi, quelques temps après, à la question de Nasreddin :
— Savez-vous de quoi je vous parlerai ? L’assemblée d’une seule voix répondit :
—Certains le savent, d’autres ne le savent pas. — Alors que ceux qui le savent le disent à ceux qui ne le savent pas. Et il s’en alla.
Discours à un corbeau
Un jour Nasreddin Hodja était monté sur le minaret pour appeler les fidèles à la prière. Soudain, un corbeau au dessus de lui fit une tache sur l’épaule de son habit. Alors le Hodja, calmement mais tout de même en colère, s’adressa au corbeau : — Si tu es un bon musulman, tu ne dois pas faire ça à celui qui invite les musulmans à la prière. Si tu ne l’es pas, pourquoi viens-tu voler autour du minaret ?
Pour voir un petit morceau de lune
Une fois, le jeune Nasreddin Hodja de rendait à la ville de Sivrihisar. A l’heure du crépuscule, il vit un groupe de gens qui regardaient vers le ciel. Il demanda pourquoi.
— Nous essayons de voir la nouvelle lune qui annonce le début du ramadan.
— Dans quel monde vit-on ? dit Nasreddin. A Aksehir les gens ont sur la tête une lune grosse comme une roue et personne ne se tord le cou pour la regarder. Et vous, vous vous mettez en tas pour voir un tout petit morceau de lune…
L’avis de l’âne
Un voisin était venu demander à Nasreddin Hodja de lui prêter son âne. Celui-ci, qui n’en avait nullement l’intention, lui dit :
— Je vais lui demander son avis. Il revint un instant plus tard.
— Je regrette, il ne veut pas venir.
— Comment est-ce possible ?
— Mon cher ami, l’âne m’a répondu : si je vais chez un étranger, non seulement il me battra, mais il dira du mal de toi. Alors c’est impossible !
Au poste de police
On avait volé l’âne de Nasreddin. Il courut au poste de police pour déclarer le vol. Le chef, après l’avoir écouter, lui dit que c’était très grave et ajouta :
— Maintenant dis-moi comment cela s’est passé.
— Si je savais comment cela s’est passé, je ne serais certainement venu te trouver, répondit Hodja.
Pour arriver à temps
Un jour, Nasreddin Hodja monta sur son âne et se mit en chemin pour un village inconnu. Ses amis lui demandèrent :
— Où vas-tu ?
— Je vais à la prière du vendredi.
— Mais nous ne sommes que mardi !
— C’est exact, mais avec cet animal, je ne sais pas si j’arriverai à temps pour la prière du vendredi !
L’atterrissage de l’âne
Nasreddin Hodja descendait de la montagne avec son âne. L’animal tomba dans le précipice. Le pauvre Hodja, arrivé au village, rencontra un ami : — Où est ton âne, Nasreddin ?
— Il a volé dans un précipice.
— Comment, il a volé ?
— Oui, il a volé, mais il n’a pas su atterrir .
Le rossignol novice
Le jeune Nasreddin Hodja entra un jour dans un verger, attiré par de magnifiques abricots. Il grippa sur l’arbre et commença à manger avidement. Le propriétaire survint et lui demanda :
— Que fais-tu là-haut ? Nasreddin fit la sourde oreille. Comme l’homme insistait, il répondit innocemment :
— Je suis un rossignol qui chante.
— Et bien, chante, je t’écoute. Nasreddin commença à émettre des sons étranges. L’autre éclata de rire.
— Les rossignols ne chantent tout de même pas ainsi ! Avec un certain aplomb, Nasreddin répondit :
— Un rossignol novice ne peut réussir à chanter autrement !
Je n’ai plus de temps à perdre
Nasreddin Hodja déambulait, pensif, dans la rue, lorsqu’on lui asséna une forte tape sur la nuque. Il se retourna et un individu s’excusa :
— Pardon, monsieur. De dos, je vous avais pris pour un ami. Naturellement Nasreddin ne le crut pas et l’amena devant un juge. Le Kadi se trouvait être un ami de celui qui avait frappé Nasreddin.
— Allons, dit le juge, donne-lui une gifle à ton tour et soyez quittes.
Hodja refusa.
— Le prix d’une gifle est d’un doublon. Que celui qui t’a frappé le paie, trancha le juge. L’homme n’ayant pas d’argent sur lui, déclara aller en chercher. Des heures passèrent. Nasreddin comprit qu’il avait été berné. Il se leva et donna une gifle au juge en disant :
— Excellence, puisque le prix d’une gifle est d’un doublon, paies-toi avec l’argent qu’il doit m’apporter, moi je n’ai plus de temps à perdre.
Je serais quand même descendu
Nasreddin Hodja se promenait à dos d’âne dans le village. Tout à coup, l’animal, on ne sut pourquoi, prit peur, s’emporta et jeta Nasreddin à terre. Des gamins qui avaient assisté à la scène se moquèrent de lui. Hodja se leva promptement et dit :
— Il n’y a pas là de quoi rire ! Je serais descendu tout de même.
La cruche
Un jour, Nasreddin Hodja donna une cruche à sa fille pour la remplir à la fontaine, puis lui appliqua deux gifles.
— Fais bien attention à la cruche, ne la casse pas, lui recommanda-t-il. La fillette se mit en route en pleurant. Un témoin demanda :
— Hodja, pourquoi commets-tu ce genre d’injustice ? Qu’a-t-elle fait ? Fronçant les sourcils, Nasreddin répondit :
— De quelle utilité serait la correction, une fois la cruche réduite en morceaux ?
Roi ou paysan ?
On demanda à Nasreddin Hodja :
— Qui est le plus puissant ? Le roi ou le paysan ?
— Le paysan.
— Pourquoi ?
— Parce que si le paysan n’existait pas, le roi mourrait de faim.
Peut-être te prendra-t-il à ma place ?
Nasreddin Hodja, gravement malade, était couché. Tous pensaient qu’il n’y avait plus d’espoir. A son chevet sa femme pleurait. Hodja s’adressa à elle :
— Femme, pourquoi pleurer ? Va te laver la figure, mets tes plus beaux vêtements, fais-toi belle et revient à côté de moi.
— Mais, Hodja, comment puis-je me faire belle alors que tu meurs ?
— Je veux que tu fasses ce que je t’ai demandé, dit-il, parce que quand l’ange de la mort arrivera, il te prendra peut-être à ma place.
La fin du monde
Nasreddin Hodja avait une très belle chèvre. Un jour, de mauvais plaisants lui firent cette proposition :
— Dans quelques heures ce sera la fin du monde. Que feras-tu de ta chèvre ? Pourquoi ne pas aller la faire rôtir à la campagne et profiter ainsi d’un bon repas ? Nasreddin fit la sourde oreille. Ils revinrent à la charge, et cette fois, il se laissa convaincre. Ils se rendirent tous dans un pré, ramassèrent du bois mort, puis la bande décida d’aller se baigner, laissant à Nasreddin le soin de la cuisson et la garde des vêtements. Alors Nasreddin prit un à un les vêtements et les jeta au feu pour l’alimenter. Lorsque les autres revinrent, ils s’enquirent de leurs effets.
— Je les ai jeté au feu pour raviver la flamme, dit Hodja. Ils se ruèrent sur lui en vitupérant. Mais sans se départir de son calme, il leur lança :
— Quelle importance cela a-t-il ? La fin du monde ne doit-elle pas arriver dans quelques heures ?
La lettre
Un jour un commerçant d’Aksehir vint trouver Nasreddin Hodja avec une lettre qui lui venait de Perse.
— S’il te plaît, lis-moi cette lettre. Nasreddin Hodja prit la lettre, vit qu’elle était écrite en persan, et lui dit :
— Cherche quelqu’un d’autre, je ne peux pas la lire. Le commerçant ne pouvait croire un instant que Nasreddin soit analphabète, lui dit :
— Comment cela, tu ne peux pas la lire ! Il est impossible qu’un Hodja ne connaisse pas le persan ! N’as-tu pas honte de porter ce turban ? Alors Nasreddin retira son turban et le mit sur la tête du commerçant :
— Si le miracle est dans le turban, tu peux la lire toi-même ! Et il s’en alla.
Si tu avais retiré tes vêtements, tu ne n’aurais pas été mouillé.
Tamerlan décida d’aller à la chasse. Il plut tellement ce jour-là que le souverain et les chasseurs rentrèrent trempés au campement. Nasreddin Hodja n’était pas encore là. C’est alors qu’on le vit arrivé à cheval, les vêtements secs. Tamerlan s’enquit :
— Comment se fait-il que nous soyons tous trempés et toi sec ?
— Que voulez-vous, mon seigneur, mon cheval est vif comme l’éclair. Et Tamerlan lui demanda son cheval. A quelques temps de là, par une autre journée de pluie, Tamerlan, bien que sur le cheval de Nasreddin, rentra trempé jusqu’aux os. Il appela Hodja :
— Tu m’as menti. Ton cheval est pire qu’un âne !
— Maître, si tu avais retiré tes vêtements et les avait liés sous le ventre du cheval, tu serais arrivé sec, comme moi le jour où tu as voulu ma monture !
Une échelle se vend-elle chez un charcutier ?
Dans sa jeunesse, Nasreddin Hodja, une longue échelle sur l’épaule, pénétra dans un jardin. Le jardinier qui l’aperçut lui demanda :
— Qui es-tu ? Que viens-tu chercher ici ? Nasreddin répondit effrontément :
— A ma connaissance, il n’y a pas d’endroit particulier pour vendre des échelles. Tu ne voudrais tout de même pas que j’aille la vendre dans la boutique du charcutier ?
Le quarante-cinquième jour du ramadan
Le jeûne du musulman, le ramadan, dure trente jours. Cette année-là, pour compter les jours, Nasreddin Hodja décida de mettre un caillou dans une jarre chaque soir. Sa fille, croyant à un jeu, mit un beau matin une poignée de cailloux dans le récipient à l’insu de son père. Le vingt-cinquième jour du mois, des fidèles demandèrent à Nasreddin où l’on en était du jeûne.
— Un moment, leur dit-il. Il alla chez lui, renversa la jarre et se mit à compter. Il y avait 125 cailloux. Il recompta…toujours 125 ! Il décida de donner un chiffre plus raisonnable. Arrivé devant les fidèles, il leur déclara :
— Aujourd’hui nous sommes le quarante-cinquième jour du ramadan. Ils éclatèrent tous de rire.
— Comment est-ce possible ? Un mois dure trente jours ! Nasreddin bredouilla :
— Et encore, je suis modeste. D’après le compte de ma jarre, nous en serions au cent vingtcinquième jour.
Qui rembourse Dieu avec retard…
Un jour, Nasreddin Hodja décida de vendre un sac d’olives. Une femme lui demanda combien il en voulait et trouva le prix indiqué trop élevé. Nasreddin qui n’avait pas un sou en poche et ne voulait pas perdre la cliente lui dit :
— Goûtes-en une, au moins !
— Je voudrais bien les acheter, mais je n’ai pas d’argent sur moi. Nasreddin lui proposa :
— Peu importe que tu ne paies pas tout de suite, mais goûtes-en d’autres.
— Je ne peux pas, aujourd’hui je jeûne. Il y a trois ans, pendant le ramadan, j’ai interrompu le jeûne, et à présent je dois payer ma dette.
— J’ai compris, je ne te retiens pas.
Comment celui qui s’acquitte avec tant de retard de sa dette envers Dieu peut-il régler rapidement une dette envers un simple serviteur de Dieu ?
Ah ! Jeunesse
Nasreddin Hodja voulait monter un cheval assez nerveux. N’y parvenant pas, il secoua
la tête.
— Ah ! Jeunesse, je deviens vieux. Puis il regarda autour de lui et voyant qu’il était seul, il marmonna :
— Même jeune je ne valais rien.
L’appel à la prière
Un jour, le muezzin invitait les fidèles à la prière. Tous se dirigeaient vers la mosquée, lorsque Nasreddin Hodja s’en allait dans la direction opposée.
— Hodja, n’entends-tu pas l’appel du muezzin ? lui crièrent-ils. Pourquoi t’éloignes-tu ?
— Je ne m’éloigne pas, je ne vais pas dans la direction opposée. Je me contente de suivre la voix pour savoir jusqu’où on peut l’entendre.
Quel paresseux !
Le fils de Nasreddin Hodja, qui étudiait à Konya, écrivit à son père : « Cher papa, je prie pour toi quatre fois par jour… » Les bons musulmans priant cinq fois par jour, Nasreddin soupira :
— Quel paresseux ! Il se lève toujours aussi tard le matin !
Ton âne est Kadi à Bostanci
L’âne de Nasreddin Hodja s’était encore perdu. Cette fois, il était introuvable. Les jours passaient, le pays en riait. Pour se moquer du pauvre Nasreddin, un plaisantin lui dit :
— Es-tu au courant ? Ton âne est Kadi à Bostanci. Sans s’émouvoir, Hodja répliqua :
— Cela ne m’étonne pas. Ce n’est pas sans raison que, quand je vous enseignais, il était si attentif, dressant ses oreilles. On pouvait déjà comprendre qu’il réussirait dans la vie.
Je sais ce que j’ai à faire
Un jour, Nasreddin Hodja égara sa besace dans un village où il était l’hôte des habitants. Il commença à crier à tue-tête.
— Si vous ne me la retrouvez pas tout de suite, je sais ce que j’ai à faire ! Ils cherchèrent avec le plus grand soin. Finalement, on retrouva la besace. Alors que le Hodja allait quitter le village, un de ceux venus le saluer lui demanda, intrigué :
— Si par malheur la besace n’avait pas été retrouvée, qu’aurais-tu fait ?
— Ce que j’aurais fait ? J’ai chez moi un vieux tapis. Je l’aurais découpé pour en faire une nouvelle besace.
La vallée inondée
Nasreddin Hodja venait à Aksehir pour la première fois. Il n’avait encore jamais vu de lac.
Contemplant le paysage, il dit :
— Bel endroit, dommage que la vallée soit inondée !
Si elle n’était pas morte
Nasreddin Hodja, de retour à Konya après une courte absence, apprit le décès de sa femme. Avec sa philosophie habituelle, il dit aux amis attristés pour lui :
— Si elle n’était pas morte, j’aurais divorcé.
La bataille
Un soir d’hiver, tous les habitants du village étaient réunis au café. Chacun racontait son aventure : qui de chasse, qui amoureuse, qui de guerre. Vint le tour de Nasreddin. Il commença ainsi :
— C’était durant la dernière guerre, nous étions encerclés par l’ennemi. Comme il n’y avait plus rien à faire, le capitaine nous donna l’ordre de dégainer notre épée et de nous précipiter vers l’ennemi. Les paysans étaient tout ouie. Hodja ne poursuivant pas, on lui demanda :
— Et après, qu’as-tu fait ?
— Après, nous avons attaqué et j’ai coupé la jambe à l’un d’eux.
— Mais pourquoi lui as-tu coupé la jambe alors que tu pouvais lui trancher la tête et le tuer ?
— Que voulez-vous, mes amis, quelqu’un avant moi lui avait déjà coupé la tête !
Les contes de Nasreddin Hodja
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